De Kyzyl-Art à Naryn: du vertigineux Pic Lenine au placide lac Song-Kul, un bout de magie en Kirghizie
- Alice Martin
- il y a 3 jours
- 6 min de lecture
Le Massif de l'Alay
Mon retour sur le sol kirghize le 16 Juillet marque d'abord la continuité de la haute-montagne. A peine ai-je quitté le Pamir, que je retrouve un autre haut massif, l'Alay, qui culmine avec le Pic Lenine à 7140m d'altitude.
Au camp de base du Pic Lenine, et au dessus, au "col des voyageurs" (Traveler's pass), j'admire de plus près cet imposant Pic - du moins tant qu'il se dévoile -, car le ciel est très vite changeant ici, l'après-midi apportant en général quotidiennement son lot de nuages et de pluie.
Je découvre ces glaciers impressionnants qui entourent le Pic et les hauts sommets alentours, m'amuse du spectacle de la caravane de ces "pseudo" alpinistes, suivant lentement et péniblement un guide local, alors que les ânes portent leurs lourds et onéreux sacs "North Face", d'abord jusqu'au camp 1, puis de camps en camps jusqu'à l'assaut final.

Vers le Pic Lenine

Un bien joli endroit, malheureusement assez gâché par le cirque touristique autour. Le dernier soir, dans le camp de yourtes où j'ai planté ma tente et garé mon vélo, je passe un début de nuit cauchemardesque, dérangée par un grand groupe de touristes russes venus seulement passer la soirée, et un peu trop portés sur la bouteille. Leurs grands éclats de voix me font finalement en pleine nuit, et sous la pluie, bouger ma tente à l'autre bout du camp, et de leur présence !
C'est du côté opposé de Sary-Mogol, pour 4 jours de randonnée en suivant le trek de l'Alay, que je retrouve de la tranquillité et du plus sauvage. 2 cols escarpés à plus de 4000m, la vue sur des sommets glaciaires, des vallées verdoyantes où cette vie nomade kirghize bat son plein, en plein milieu de l'été.


Osh
Je pédale ensuite la fin de la Pamir Highway, qui se prolonge au Kirghizistan jusqu'à la ville de Osh. Enfin, presque jusqu'à la fin. C'est quand je ne suis plus qu'à une demie journée de vélo de la ville, que je reçois ma première invitation kirghize au gîte et au couvert, par encore une super famille. Pouilleuse, fatiguée, le ventre déjà plein par un dîner au réchaud, j'ai beau être dans un état où j'arrive peu à faire honneur à leur hospitalité, ceux-ci se montrent d'une compréhension et d'une gentillesse à toute épreuve.
Une famille relativement "riche", dont la plupart des membres travaillent en Russie, et revenus au village natale pour une pause estivale. Le lendemain matin, j'accepte un peu lasse qu'ils décident pour moi, de me conduire en voiture jusqu'à Osh, puisqu'ils y vont de toute façon.

La fin de la Pamir Highway
A Osh, à l'hostel des cyclistes, un nombre impressionnant de cyclos, revenus azimutés du Pamir, "moulent" (expression de mon pote David, que je retrouve d'ailleurs à l'hostel) toute la journée sur les canapés de la cour intérieure. Comme eux, j'ai besoin de repos et d'une bonne pause. Non pas tant à cause de la fatigue physique, mais de cette fatigue "mentale" accumulée dans ce redoutable Pamir: la haute-altitude, le côté très reculé, l'isolement d'être off-réseau, le soleil extrême sans zones d'ombre et l'air sec qui ravagent mes lèvres, ce besoin de tout le temps filtrer l'eau qui me laisse souvent déshydratée, la misère culinaire, l'hospitalité exubérante et parfois subie, qui à coups de Google Translate, achève de te crever à la fin de la journée...

5 jours de pause dans la "capitale du Sud", dans le relatif confort d'une auberge et un relatif retour à la civilisation d'une zone urbaine, à découvrir cette architecture improbable. Entre le célèbre bazar de la ville en pleine démolition et ses containers à tôle ondulée prêts à vous tomber sur la tête, et son grand parc perpétuellement peuplée d'une grande fête foraine aux stands complètement kitchs.
A Osh, je prépare mon itinéraire qui me fera explorer tout l'Est du Kirghizistan, où je me rends vite compte, qu'à coups de hauts-cols, pistes et fort dénivelé, celui s'annonce guère plus simple que le Pamir.
Osh - Kyzart
Et la première épreuve, le col de Kolmodo, situé juste avant 3000m d'altitude, me le confirme. 2 jours d'isolement sous une chaleur atroce et une piste infâme à grimper, dans un no man's land, mais imparfait, car peuplé de zones de travaux chinoises dont les camions m'aspergent de poussière et m'assourdissent.
Oui, ces travaux chinois, ils sont partout maintenant en Asie Centrale: ici, on construit apparament un chemin de fer, encouragé par le gouvernement kirguize devenu bien copain avec son voisin autocrate.
Et puis une nuit de bivouac cauchemardesque, juste avant le col, où surprise par une tempête, je regarde impuissante à assister au spectacle de ma tente se faire chahuter toute la nuit, pendant que le bruit du vent violent sifflant contre les pylônes électriques pas loin m'assourdit...

Vers le col de Kolmodo
Une expérience qui me fait dire, une fois de retour à la civilisation à Kazarman, qu'il faudrait des fois apprendre à lever le pouce, et faire du stop pour éviter les itinéraires les plus pénibles, comme feront intelligemment les sympathiques cyclos anglais rencontrés à la guest-house.
Après Kazarman, une fois contourné par une étroite piste un éboulement magistral, je retrouve temporairement le confort du bitume, sur une route un peu spectaculaire, "à éboulement" donc, et aux paysages surprenants par rapport aux vertes plaines kirghizes, peuplés de canyons rouges "Nevadesque".


Le lac Song-Kul
C'est par ses 2 rives Nord et Sud que je découvrirai ensuite un des joyaux de la Kirghizie, le lac Song-Kul.
D'abord, en délaissant momentanément mon fidèle destrier qu'est mon vélo, pour une monture plus vivante (et qui me fera plus mal aux fesses!), un de ces chevaux kirghizes parfaitement dressés et entraînés pour trimballer d'innocents touristes jusqu'à la rive Nord du lac.
Prendre le temps de faire "un truc de touriste", et apprécier, après la rando à cheval, cette demie-journée de pause au bord des eaux placides du lac, même entourée de (trop nombreux) touristes, en majorité mes compatriotes.



J'y retourne ensuite en vélo, par un raide col à plus de 3000m, qui me fait atteindre sa rive Sud.
Autant la rive Nord est encaissée et encerclée par les montagnes, autant la rive Nord se pare d'une atmosphère "mongole", entourée qu'elle est de vastes plaines verdoyante, qui semblent s'étendre à l'infini.
Historiquement, le lac Song-Kul est un haut-lieu de la vie semi-nomade kirghize, et se parsèment de yourtes pour les mois d'été, laissant chevaux et vaches brouter ses verts pâturages. Aujourd'hui, c'est toujours le cas, même si en plus, il y a ces quelques yourtes "artificielles" et un peu plus confortables que celles des autochtones, accueillant les touristes le temps d'une nuitée au bord du lac.

Alors, j'observe cette vie traditionnelle nomade: chevaux et vaches vaquant librement, de même que les enfants tout jeunes des familles, plutôt surveillés en général par les grandes sœurs que les mères débordées, l'eau mise à bouillir dehors au feu de bois pour le thé, les garçons actionnant de leur bras vigoureux le puits improvisé recueillant l'eau nécessaire au fonctionnement de la yourte.
Et c'est lors de mon deuxième séjour en tant que cycliste, entourée d'ailleurs dans le camp de yourtes seulement d'autres cyclistes (Dominic 🇺🇸 Coline et Jérémy 🇨🇭, plus un couple agé allemand), que j'assiste à un évènement spécial traditionnel: l'abattage et le dépeçage d'un (jeune) cheval. Oui, on les abat jeune ici, car ce sont les jeunes qui donnent la meilleure viande, me dit-on.
Toute la famille se rassemble pour l'occasion. Bien que ce soit surtout les hommes d'âge murs qui de leur mains expertes, tuent et dépecent le cheval, toute la famille regarde ça de près: certains enfants tenant une partie du cheval, l'autre apportant la hache, le dernier jouant avec les pieds/sabots de l'animal une fois séparés du reste du corps... Dominic et moi assistons à ce spectacle, fascinés, nous approchons de plus en plus près.
Abattage et dépeçage d'un cheval - je vous ai pas mis les images les plus gores!
En voyant les femmes récupérer tous les morceaux pour les cuisiner, on se dit qu'on manquera pas de viande ce soir... Coline, qui a été un moment végétarienne, dit qu'on est ici loin de l'industrie occidentale opaque de la viande, et que c'est la meilleure viande à manger, celle toute fraîche qui vient d'un cheval ayant gambadé toute sa vie librement dans ces immenses étendues... Elle a pas tort, et la viande se révèlera effectivement la meilleure que j'ai mangé depuis le début de mon voyage !
C'est aussi sur l'itinéraire allant au lac Song-Kul que je rencontre un cyclo qui sera un compagnon de voyage intermittent pour le reste de mon périple kirghize. Dominic, américain originaire du Michigan à vague ascendance italienne, et vivant maintenant dans le Val d'Aoste. Facile à vivre et d'humeur riante comme seuls savent être les américains, âge et allure sur le vélo similaires à la mienne, les mêmes passions pour l'aventure et la montagne (notamment le ski): on fait naturellement un bon match.

La suite de mon itinéraire kirghize, avec toujours plus de montagnes, dans le prochain post !
































































































































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